A vendre : nuit parisienne. S'adresser au ministère des Affaires étrangères.

Nuit à vendreUn rapport inquiétant sur la vie nocturne à Paris publié sur le site du ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

Les auteurs en sont Renaud Barillet (fondateur et directeur de la Bellevilloise), Frantz Steinbach (fondateur des Pierrots de la Nuit), Solène Clappe-Corfa (administratrice des Pierrots de la Nuit) et Michel Durrieu (responsable du pôle tourisme de la direction des entreprises et de l'économie internationale au sein du MAEDI).

Partial, partisan et tronqué, tels pourraient être les adjectifs qui caractérisent le contenu du rapport rédigé sur commande du Ministre des Affaires étrangères, et intitulé « Pôle d’excellence touristique : 22 mesures pour faire de la vie nocturne un facteur d’attractivité à l’international ».

Nous nous sommes en effet procuré ce pensum à la gloire des fêtes nocturnes en France mais surtout à Paris, rédigées par des experts dont nous avions révélé qu’ils comprenaient des industriels de la nuit et les représentants de l'AMUON, cette association qui emploie les "Pierrots de la Nuit".

Dès les premières lignes le décor est posé, « notre offre nocturne » est-il écrit « répond aux attentes du marché français...», « il faut opérer une véritable révolution dans les mentalités afin que l’offre nocturne ne soit plus seulement tolérée mais pleinement considérée et valorisée par les élus nationaux et locaux... » ? Et d’ajouter « Les actions des associations de riverains à l’encontre des organisateurs d’évènements ou gérants d’établissements sont particulièrement dommageables, et ce alors que ces organismes ne représentent les intérêts que d’un faible nombre d’usagers ».

Ces propos totalement gratuits et non étayés amènent d’ailleurs la confusion car s’il est question dans le corps du rapport de développer une marque, un label « Qualité Tourisme » (sous couvert du GIE Atout France, l'Agence de développement touristique de la France, opérateur de l'État dans le secteur), cela se ferait, est-il ajouté, « en bonne intelligence avec l’environnement immédiat » des établissements ?

Comme attendu les mêmes exemples de villes modèles, celles « qui ne dorment jamais », une comptine bien huilée et mille fois racontée, sont citées. Vous avez deviné, il s’agit de Barcelone et de Berlin dont on sait que les habitants intoxiqués des fêtes nocturnes sont au comble du désespoir. En France, Bayonne a la réelle faveur des rédacteurs impressionnés de ce qui s’y passe…Quand aurons- nous une feria dans les rues de Paris ? A noter que relativement aux villes étrangères, seuls des représentants de Rotterdam et de Milan ont été auditionnés pour ce rapport mais leur fonction n’y est pas déclinée ?

Le jargon employé peut paraître bluffant avec les « city breakers », le « cluster », le « good France » et autres, sans oublier la sempiternelle « intelligence artificielle » et le mélange confus entre « opéra, salles de concerts, clubs, bars, restaurants » etc .

Viennent ensuite les 22 propositions qui vont de l’élargissement des horaires des promenades en bateau sur la Seine en passant par « l'ouverture des lieux publics au privé » (sans qu’un quelconque endroit soit cité), ou la « mise en place d’un site web multilingue pour la promotion de la vie nocturne », ou bien « la mise en lumière de l'espace public ». Autre singularité, afin « d’encourager l'internationalisation des dispositifs de prévention et de médiation dédiés à la vie nocturne », il faudra désormais être polyglotte pour intégrer le corps des Pierrots de la Nuit.

L’aménagement urbain n’est pas oublié dans la longue liste d’actions proposées, « favoriser la prise en compte de la dimension nocturne dans l'aménagement urbain... », c’est-à-dire plus de bus, plus de métro avec des horaires élargis, plus de navettes privées et des plans de métro et de bus indiquant spécifiquement les quartiers réputés (traduire de fête) pour la vie nocturne... Deux phrases résument ces demandes, « inclure l'activité nocturne dans le PLU » et « étendre les horaires de nuit des sites culturels et magasins en zone touristique » ?

Cerise sur le gâteau, la demande « de mesures réglementaires plus favorables à la vie nocturne… »... pour « ... rassurer les investisseurs » ! C’est-à-dire attribuer aux établissements des autorisations d’ouverture de nuit plus longues et créer une clause d’antériorité pour protéger les établissements des recours abusifs ! Difficile de ne pas deviner qui serait ainsi visé ?

Le permis à points est toutefois préconisé. Il est aussi proposé l'occupation de l'espace devant les Grand et Petit Palais qui serait dédié à la nuit, préconisation de Christophe Girard, seul maire d’arrondissement auditionné, l'endroit en effet ne comporte pas d’immeubles d'habitations.

Les subventions versées ne sont pas abordées mais il est toutefois suggéré que le fonds de financement du tourisme créé par la BPI (Banque Publique d’Investissement) étende son champ d’action au tourisme nocturne.

Ce rapport a de quoi inquiéter encore davantage les riverains. Instiller partout et par tous les moyens (ce rapport en est un) l’idée que Paris ne pourrait plus être une capitale digne de ce nom sans vie nocturne est une notion totalement fallacieuse, une pression indigne auprès des élus et de ceux qui le croient, une course en avant à marche forcée dont le seul but est de remplir le tiroir-caisse de quelques privilégiés.

On a peine à imaginer que le Ministre des Affaires Étrangères, fort d’une longue expérience des affaires publiques, puisse cautionner ces travaux par trop parcellaires et orientés. En effet les habitants sont passés à la trappe, les dégâts collatéraux relatifs à la santé (nuisances sonores, insomnie, souffrance psychologique, montée de l’alcoolisme, drogue...), l'insécurité et la malpropreté sont tout simplement ignorés.

La copie est à revoir !

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